Changer une vieille reine
Le remplacement de la reine est un processus naturel et fréquent dans une colonie d’abeilles. Le rôle de la reine est crucial au sein de la colonie et donc le vieillissement de la reine affaiblit toute la colonie. Ainsi changer la reine d’une colonie est une opération que l’apiculteur doit maîtriser, anticiper et planifier efficacement pour prendre correctement soin de ses colonies. Le remplacement des reines se fait suivant différentes techniques. La difficulté réside dans l’acceptation de la reine par la colonie.
Les abeilles changent leurs vieilles reines
Les comportements naturels des abeilles que sont la supersédure, l’essaimage ou le remérage se produisent pour garantir la survie du super organisme qu’est la colonie. Une colonie essaimeuse change plus spontanément de reine et l’apiculteur essaye de limiter ce penchant. A l’inverse une colonie peu essaimeuse peut conserver sa reine au point de courir le risque de la perdre en pleine saison ou pire durant l’hiver. Ainsi il appartient à l’apiculteur de bien comprendre la mécanique du remplacement de la reine afin d’intervenir avec succès dans la vie de la ruche pour remplacer au bon moment les reines qui les nécessitent.
Sans intervention de l’homme, les colonies d’abeilles croissent entre mars et mai pour atteindre leur taille maximale entre mai et juin. La population décroît ensuite tout au long de l’été jusqu’à l’hivernage d’octobre à février. Quand la colonie est au pique de sa croissance (entre mai et juin) ou qu’elle se trouve à l’étroit, elle pratique l’essaimage qui aboutit à la création d’une nouvelle colonie. La vieille reine quitte la colonie pour en fonder une nouvelle accompagnée d’une moitié des abeilles de l’essaim. Les abeilles restantes créent une nouvelle reine pour assurer la survie de l’essaim. Des conditions météorologiques favorables et un penchant naturel de certaines abeilles sont aussi des facteurs qui favorisent l’essaimage.
Entre deux et quatre semaines avant l’essaimage les abeilles se préparent. Normalement la reine sécrète des phéromones inhibant le comportement de ponte des ouvrières. Avec une population pléthorique les phéromones de la reine se diffusent moins efficacement, ce qui donne pousse les ouvrières à construire des cellules royales afin de remplacer la reine. La reine quant à elle est moins nourrie pas les ouvrières. Elle perd du poids ce qui lui permettra de prendre son envol. Huit à dix jours après le début de cette phase d’élevage a lieu l’essaimage à proprement parler. La vieille reine et la moitié de la population de la ruche décolle gorgée de miel vers un nouveau refuge.
Les abeilles restées dans la ruche pondent d’autres mâles et attendent la naissance de la reine à mesure que l’influence des phéromones de la précédente reine s’estompent. La première reine à naître fera un tour de la ruche afin de tuer au besoin dans leur cellule toutes ses potentielles rivales. Pour la colonie la situation est encore très hasardeuse. La reine est à ce stade une reine vierge et avant son vol nuptial elle ne peut pondre et ainsi assurer l’avenir de la colonie. C’est pour cette raison que parfois les ouvrières protègent une cellule royale contre la jeune reine afin d’avoir une deuxième chance si celle-ci ne survie pas à son vol nuptial.
La supersédure est le remplacement d’une reine « défaillante ». Elle intervient à des dates bien plus variées que l’essaimage. Les abeilles commencent par préparer des cellules royales pour assurer la succession de la reine avant de tuer cette dernière. Elle peut être déclenchée par une déficience de la reine mais l’environnement peut également jouer. Un blocage de ponte du fait d’une ponte trop abondante ou d’un espace trop réduit du fait des récoltes peut également déclencher le remplacement de la reine. Dans ce cas de figure, la colonie orpheline doit relancer la ponte et le renouvellement de la population le plus vite possible. C’est une situation qui peut être très rapidement critique car si la ponte de la reine ne se met pas rapidement en route, la colonie courre à sa perte.
Comme on le voit, le fait de changer de reine est une étape commune de la vie de la colonie.
Pourquoi changer ses vieilles reines ?
Changer de reine c’est changer d’essaim. Les abeilles issues d’une même reine possèdent les trois quarts de leurs gènes en commun et au bout de 5 à 6 semaines les abeilles issues de la précédente reine seront toutes remplacées par les descendantes de la nouvelle reine. Ainsi changer de reine permet de changer les caractéristiques de la colonie.
La reine est aussi dans une certaine mesure le talon d’Achille de la colonie. Du fait de sa longévité (4 à 5 ans contre 40 jours pour les ouvrières) la reine est plus exposée aux rigueurs de l’environnement et aux toxiques qui s’y trouvent. En début de saison une reine en bonne santé est indispensable pour que la colonie croissent convenablement et puisse profiter des miellées de la saison. La perte d’une reine et son remplacement naturel à cette période ferait prendre un certain retard de développement à la colonie. Ce retard peut fragiliser l’essaim et représenter une perte importante dans la production des produits de la ruche.
Même sans envisager la mort de la reine, son vieillissement ouvre la voie à nombre de problèmes inexistants chez de jeunes reines. Avec le vieillissement des cellules, les télomères (extrémités des chromosomes) s’usent ce qui entraîne une perte d’information génétique. Cette perte d’information est à l’origine de maladies et plus simplement d’une fragilité accrue des individus. Une reine vieillissante sera donc un aléa important pour une colonie.
La reine, la seule femelle fertile de la colonie, communique sa présence et manifeste son influence au moyen d'un mélange de phéromones produit par les glandes mandibulaires et abdominales. Par exemple la phéromone de la suite de la reine ou QRP (Queen Retinue Pheromone) est un mélange de 5 composés chimiques. Le QRP attire les ouvrières, les pousse à prendre soin de la reine et inhibe le développement ovarien des ouvrières. Il est à noter qu’aucun de ces composés n’attire les abeilles à lui seul, c’est bien le mélange (dont la composition exacte nous échappe encore) créé par la reine qui donne son effet au QRP. Le QRP est à la fois une phéromone de déclenchement (elle initie un comportement de soin de la reine) et une phéromone modificatrice ( elle provoque une modification biologique chez le récepteur, dans ce cas une inhibition du développement ovarien).
En ce qui concerne l’influence sur le comportement de la colonieLes phéromones royales jouent nombre d’autres rôles mais on peut résumer en disant qu’elles permettent le déclenchement de comportements tels que l’essaimage la reproduction ou le butinage. La reine donne son rythme au superorganisme qu’est une colonie. Les phéromones de la reine agissent également comme un “ fortifiant” puissant sur les ouvrières. L’exposition au QRP augmente également la résistance des ouvrières à la faim et améliore leur capacité à stocker des lipides. Avec le temps la reine s’épuise et elle donne ainsi des signaux avec une efficacité de moins en moins grande. Si la communication phéromonale est moins efficace, toute la colonie perd en efficacité et en robustesse. C’est une des raisons qui rend nécessaire le remplacement de la reine.
La reine possède également un stock d’ovules et une spermathèque finie. Avec le temps la ponte perd en régularité voir s’arrête. L’apiculteur peut l’observer quand la ponte devient irrégulière sur des cadres de couvain ou qu’il trouve deux larves dans la même alvéole. Le dérèglement ou la raréfaction de la ponte nécessitent pour la colonie comme l’apiculteur de remplacer la reine. Le remérage est la réponse naturelle des abeilles à ce problème. Devant la baisse des performances de la colonie l’apiculteur peut décider de remplacer la reine mais gardez à l’esprit que le « déclin » d’une colonie peut être imputable à des causes techniques, génétiques, pathologiques ou environnementales. Le vieillissement de la reine est une donnée que l’apiculteur peut aisément anticiper. Si on ne maîtrise pas les aléas climatiques ou environnementaux on peut parer au vieillissement des reines en préparant le remplacement régulier des reines.
En plus de ces remplacements de la reine qui sont motivés par la santé de la colonie il peut être aussi envisagé de changer la reine pour des raisons économiques. Une reine changée en fin de saison à la fin de l’été sera pleinement opérationnelle au printemps et permettra aux colonies de faire un début de saison sur les chapeaux de roues du fait de la jeunesse de la reine. Ainsi on peut envisager de changer tous les ans de reine pour assurer une production maximale d’année en année.
Changer ses vieilles reines pour avoir des mâles de qualité
Lorsqu’on effectue une sélection à l’intérieur d’une population, l’augmentation de la consanguinité est inévitable. Chez l’abeille la consanguinité se révèle néfaste à deux niveaux.
Tout d’abord la viabilité du couvain décroît. Cette consanguinité est la première cause de diminution de productivité des colonies. D’autre part, le comportement des ouvrières est modifié. On constate chez les colonies touchées par la consanguinité une baisse des comportements d’élevage et de nettoyage de la colonie qui tous deux fragilisent grandement la vitalité de la colonie.
Ainsi, introduire de nouvelles reines venant d’un éleveur ou d’un autre rucher permet d’augmenter la diversité génétique au sein de votre rucher. Dans un paysage apicole dense le vol nuptial de la reine assure naturellement ce brassage mais un rucher isolé peut finir par manquer de matériaux génétique.
Pour éviter que la consanguinité n’efface votre travail de sélection vous devez tenir compte de ce risque dans la sélection des abeilles.
Quelle méthode pour changer de Reine ?
Si on tue la reine de la colonie, les abeilles feront naître dès que possible une reine pour la remplacer. Si on procède ainsi aucune abeille ne naîtra pendant 41 jours et suivant la rapidité de réaction de la colonie la nouvelle reine peut être de piètre qualité. Quand vous aurez établi qu’il était nécessaire de changer la reine d’une colonie plusieurs options s’offrent à vous :
Introduire une reine fécondée
Introduire une cellule royale
pratiquer un essaimage artificiel
Introduire une reine fécondée est la méthode la plus simple et la plus sûre à condition de réussir à faire accepter la reine à la colonie. La méthode d’introduction d’une nouvelle reine fécondée est la suivante. Commencez par trouver et tuer la reine à remplacer. Il faut ensuite attendre 9 jours. Pendant ce temps les abeilles, réalisant l’absence de la reine créent des cellules royales afin de la remplacer. Au bout des 9 jours, détruisez toutes les cellules. Ainsi, la colonie est dos au mur et a besoin d’une reine immédiatement. C’est là que vous devez introduire la reine fécondée. Introduisez la entre deux cadres dans une cagette fermée avec du candi et brisez le clip de fermeture. Le temps que les abeilles mangent le candi elles se seront habituées aux phéromones de la reine et l’accepteront.
Introduire une ou plusieurs cellules royales dans la ruche à renouveler est une méthode peu coûteuse qui a le mérite de tirer parti d’un essaimage dans une colonie pour remplacer la reine d’une autre colonie.
Enfin, l’essaimage artificiel par division est une façon simple de multiplier ses colonies. La méthode reste délicate à mettre en œuvre car elle suppose que la colonie divisée soit populeuse et dynamique.
Quand changer la Reine ?
Les trois méthodes évoquées ci-dessus supposent différentes contraintes de temps.
Une reine fécondée peut être introduite n’importe quand durant la saison mais le principe est que plus la colonie est dans une situation critique plus elle acceptera une reine fécondée car il en va de sa survie. Ainsi de manière générale, plus la colonie est dans une situation de stress plus elle va accepter une nouvelle reine.
Introduire une cellule royale dans un essaim artificiel doit être fait de mai à juillet.
L’essaimage artificiel doit se dérouler entre mai et juillet au plus tard car la colonie doit être assez forte et populeuse pour encaisser cette perturbation. La ruche va rester un certain temps sans reine et donc sans ponte. Si elle se retrouvait avec une population trop vieille pour élever les larves fraichement pondues la colonie serait condamnée. En effet les abeilles changent de fonction dans la colonie suivant leur âge. Seules les abeilles les plus jeunes produisent une gelée royale adaptée au nourrissement des larves.
Il faut garder à l’esprit le rythme biologique des abeilles. Une division simple force la colonie à élever une reine. Cela prend 16 jours,et il faut 14 jours à la reine pour atteindre sa maturité et être féconde. Ces 30 jours sont autant de temps pendant lequel la reine n’est pas en ponte. Une reine peut pondre jusqu’à 2 000 œufs par jour pendant la période de montée en puissance de la colonie. Interrompre la ponte pendant cette période va limiter d’autant le dynamisme de la colonie alors qu’ont lieu les principales miellées de la saison. Sans forcément mettre en danger votre colonie une interruption de la monte à ce moment-là n’est pas sans conséquences.
Chacune de ces méthodes fera l’objet d’une fiche détaillée dans laquelle nous reviendrons en détail sur la méthode à suivre et le calendrier à tenir.
L’Acceptation de la Reine
Les abeilles sont liées à leur reine par les phéromones qu’elle diffuse dans la ruche. Ces phéromones stimulent le comportement des abeilles mais servent aussi à différencier les membres de l’essaim et les étrangers. L’acceptation de la reine est le passage d’une reine du statut d’étrangère dans l’essaim à celui de reine légitime de la colonie. Sans acceptation de la reine par la colonie celle-ci sera traitée comme une intruse et tuée sur le champ.
Le remplacement de la reine que ce soit par remérage, supersédure ou essaimage est un moment de stress pour la colonie et il est très possible que les ouvrières tuent la reine pour des raisons qui peuvent être impénétrables pour l’apiculteur. Pour comprendre ces comportements il est important de garder à l’esprit qu’une colonie d’abeilles est un une organisation eusociale. Ces organisations se distinguent par la spécialisation des individus, l’élevage commun des jeunes et l’existence d’un groupe de reproducteurs spécialisés. Pour le dire simplement, dans un essaim les individus renoncent à leur capacité à se reproduire et confient la transmission de leur patrimoine génétique aux reproducteurs que sont la reine et les faux-bourdons. Ainsi la ponte défaillante d’une reine met en danger le super organisme qu’est la colonie ce qui justifie amplement son remplacement par une reine plus efficace.
Donc, pour que la reine soit acceptée il faut tout d’abord que ses phéromones aient remplacé celles de la précédente reine. C’est la raison pour laquelle on orpheline les ruches dans lesquelles on compte introduire une reine fécondée. La reine introduite dans une cage est protégée de la réaction de défense des ouvrières. A mesure que les phéromones de la jeune reine envahissent la ruche les ouvrières l’acceptent finalement.
Également la colonie doit être aussi « stressée » que possible. Dans une situation d’opulence la colonie peut refuser une reine et en faire une autre. Si la colonie est dans une situation difficile (pas de ponte, pas d’apport de nourriture, etc) une nouvelle reine lui paraîtra providentiel et l’acceptation se fera d’autant mieux.
Pour aller plus loin :
S'entraîner à trouver ses reines facilement?
Comment marquer une reine?
Comment clipper ses reines ?
Comment introduire une reine?
Comment améliorer ses ruches de production ?
Comment avoir des reines inséminées Buckfast?
Comment avoir des reines de qualités ?