Pollinisation et apiculture



L’abeille est un pollinisateur crucial pour les écosystèmes. Ce qui leur donne cette importance c’est le fait que les abeilles visitent un seul type de fleur par “sortie” ce qui facilite la fécondation. L’action des abeilles augmente la santé des végétaux et augmente considérablement leur productivité. Les abeilles domestiques ne sont pas les seuls pollinisateurs et leur action est complémentaire de celle des abeilles sauvages et autres insectes. La diversité des pollinisateurs est un gage de robustesse et de bonne santé pour l’environnement.


A : L’abeille principal pollinisateur


« C’est incontestable : si l’apiculture cessait d’être une activité intéressante, le gouvernement devrait prendre des mesures pour que les abeilles continuent d’être présentes en grand nombre sur le territoire. » Christian Conrad Sprengel (1750-1816) a fort bien décrit la fonction de pollinisation des abeilles et autres insectes dès 1793. Sa découverte fut jugée tenir du compte de fée et il ne connut aucune reconnaissance de son vivant. .  Jusqu’au milieu du xixe siècle, on pensait que l’autofécondation était la norme pour les végétaux, ignorant donc le rôle clé des insectes et en particulier des abeilles.

Environ 90 % de la flore locale fait partie des plantes entomophiles (fécondées par les insectes). Qu’elles soient angiospermes ou gymnosperme ces plantes ont besoin de l’intervention d’insectes pour que le pollen entre en contact avec l’appareil reproducteur d’une plante. C’est ce qu’on appelle la pollinisation.

Les plantes rivalisent pour attirer les insectes pollinisateurs et ainsi favoriser leur reproduction. Cette compétition prend des formes très diverses : couleurs vives, parfums, forme de la fleur, production de nectar. Toutefois, ces dispositifs seraient beaucoup moins efficaces sans une particularité du comportement des abeilles, qui ne visitent dans un même vol que les fleurs d’une même espèce végétale. Aristote (384-322 avant J.-C.), l’avait déjà observé. Ainsi, les abeilles ont un comportement qui assure une pollinisation très efficace.

Le rayon d’action des abeilles d’une ruche se limite à quelques kilomètres (le plus souvent entre 2 et 5 suivant la météo, l’altitude et l’environnement) le rendement du vol se réduisant, bien entendu, en proportion de l’éloignement de la provende. C’est pourquoi l’idéal est de placer la ruche directement dans la zone à polliniser pour avoir à la fois le meilleur rendement de pollinisation et une production de miel supérieure. Lorsque la distance parcourue par les abeilles est importante, elles doivent consommer une trop grande partie de leur récolte comme « carburant », pour le vol.

En France la production de 84 % des espèces cultivées en Europe dépend directement de la pollinisation par les insectes et, plus particulièrement, par les abeilles. En effet la pollinisation effectuée par les abeilles est remarquable sur le plan quantitatif et qualitatif. Les abeilles transportent couramment des dizaines de milliers de grains de pollen sur leurs corps et elles en déposent de grandes quantités sur les stigmates, avec pour conséquence une sélection gamétique efficace des tubes polliniques.

Si les abeilles mellifères ne sont pas les uniques insectes pollinisateurs de nombreuses plantes sauvages et cultivées, elles présentent toutefois des avantages certains. Leur constance à visiter une même sorte de fleurs est essentielle à une bonne pollinisation, comme on l’a vu. La richesse d’une ruche en individus est aussi un avantage non négligeable. Si l’on considère une ruche de 4000 butineuses, qui visitent chacune 72 fleurs en un vol (estimation minimale), on totalise près de 300 000 fleurs pollinisées en un court moment. Dans des conditions météo idéales, une butineuse effectue en moyenne une dizaine de sorties dans la journée, ce qui aboutit à la pollinisation de 3 millions de fleurs par ruche par jour. Les abeilles sont donc un pollinisateur d’importance dans un écosystème.

Lorsque l’on parvient à éliminer ou à quantifier l’action des autres vecteurs comme l’autopollinisation passive et/ou la pollinisation par le vent, on réalise combien le rôle des abeilles est important.

B : La pollinisation cruciale pour l’activité agricole


Une bonne pollinisation est cruciale pour la bonne santé des végétaux. Par exemple les pommiers et les poiriers ne donnent pas de récolte satisfaisante sans l’action des abeilles. Les fruits insuffisamment fécondés se développent de manière incomplète. Non seulement les caractéristiques qualitatives externes des fruits, telles que la forme et la taille, sont nettement améliorées par la fécondation par les abeilles, mais aussi leur teneur en sucre et en acidité.

Les cerisiers marquent la fin de l’hiver par une floraison prolifique. Cette opulence s’explique aisément quand on sait que malgré l’intervention massive des abeilles, seules 30 à 40 % des fleurs vont aboutir à la formation effective d’un fruit. Sans les abeilles, le résultat est vraiment maigre, comme le montre de façon éloquente un essai conduit par Müller et Deger dans le domaine d’État de Karlsruhe Augustenberg (voir tableau ci-dessous).


En Europe, la pollinisation des plantes à fleurs, c’est-à-dire le transport du pollen des anthères
productrices aux stigmates récepteurs, est réalisée principalement par auto-pollinisation passive ainsi que par le vent (anémophilie) et les insectes (entomophilie). Mais l’auto-pollinisation passive, et son extrême la cléistogamie, ne constitue que rarement le mode de pollinisation dominant (même si c’est le cas chez le blé et le soja), et le vent n’est le vecteur de pollen principal que chez 10 % des plantes à fleurs, et ce sont les insectes qui pollinisent toutes les autres espèces de façon exclusive ou dominante.
Beaucoup d’insectes floricoles se nourrissent de pollen et/ou nectar sans intervenir dans la pollinisation. Les insectes pollinisateurs comprennent certains coléoptères, lépidoptères et diptères (mouches) comme les syrphes, mais ce sont surtout les abeilles (hyménoptères) qui ont une relation indissociable avec les fleurs.

Les oléagineux bénéficient également de l’activité des abeilles en période de floraison. Les tournesols, par exemple, peuvent s’autoféconder à 45 %, le reste étant assuré par les abeilles. L’activité des abeilles se traduit, par ailleurs, par une augmentation d’environ 7 % de la teneur en lipides des graines. Les spécialistes de la multiplication par semis savent d’expérience la valeur des abeilles pour de nombreuses plantes, d’où l’importance de l’apiculture traditionnelle dans la région d’Orléans, spécialisée dans la production de semences. Même des plantes qui pratiquent normalement l’autofécondation, comme les fraisiers, présentent une nette amélioration des caractéristiques quantitatives et qualitatives si elles sont intensément visitées par les abeilles. Pour assurer la pollinisation, une moyenne de 4 ruches par hectare est considérée comme suffisante, mais une plus grande densité de population reste possible. Il apparaît ainsi clairement que l’activité apicole profite à toute l’agriculture environnante du fait de l’action pollinisatrice des abeilles.
La pollinisation des cultures entomophiles constitue donc un service économique bien crucial. On estime qu’en l’absence d’abeilles domestiques les rendements agricoles pourraient être réduits de 90%. Le service de pollinisation des abeilles a donc bien plus de valeur que la seule production de miel.


C : Pollinisation et abeilles sauvages 


Nous l’avons vu, de nombreuses espèces végétales et animales vivent par et avec les abeilles du fait du processus de pollinisation. On peut donc considérer l’abeille comme un indicateur du bon état de l’environnement ou bio-indicateur. Toutefois sans l’aide de l’apiculteur, l’abeille mellifère, qui vivait jadis à l’état sauvage dans nos forêts, serait rapidement menacée d’extinction du fait de l’activité humaine.
Même les champs de colza ou les vergers très appréciés des apiculteurs ne sont qu’en partie un havre pour les abeilles. Un apport en nourriture ou un déménagement des ruches restent des nécessités pour maintenir la santé des colonies. Même en l’absence de ces menaces directes pour la santé des abeilles, l’uniformisation des paysages agricoles et la destruction des plantes à fleurs qui ne sont pas des espèces cultivées réduisent la diversité des apports en nourriture pour les abeilles et fragilisent leurs sources d’approvisionnement dans le temps comme en quantité. Ainsi, les haies et chemins abritent une variété d’espèces qui par leur diversité de nature et de rythme biologique offrent une alternative aux abeilles pour leur approvisionnement. La conservation de ces espèces est un bien pour les abeilles mais elle permet également le maintien d’une certaine biodiversité cruciale pour la solidité et la résilience des écosystèmes.

Ces espèces végétales permettent également sont une source de nourriture pour d’autres pollinisateurs tels que les bourdons, papillons et abeilles sauvages.
On a pu avancer que l’apis mellifera était une concurrente si efficace pour ces insectes sauvages qu’elle menaçait leur présence. Des travaux récents démontrent que le rapport entre les abeilles domestiques et les pollinisateurs sauvages n’est pas nécessairement un rapport de compétition. Si en ville l’introduction de ruches entraîne une baisse de l’activité des pollinisateurs sauvages on peut imputer cette baisse à la rareté des ressources florales et à l’hostilité de l’environnement pour les pollinisateurs sauvages. Ces derniers sont facilement considérés comme des nuisibles au contraire des ruches objets de tous les soins. Vouloir imputer à des abeilles trop nombreuses la disparition des pollinisateurs sauvage est une façon malhonnête de détourner le regard sur la pauvreté des environnements, leur toxicité et notre absence de réaction à ce sujet.
Dans un environnement rural on constate que la présence de différents pollinisateurs augmente la qualité et l’intensité de la pollinisation pour chacun d’entre eux. La diversité de l’écosystème en termes de plantes et d’insectes améliore considérablement à la fois la productivité agricole mais aussi la résistance des écosystèmes agricoles. En effet, une étude de 2013 démontre que la présence d’abeilles sauvages limiterait l’impact du réchauffement climatique sur la pollinisation assurée par les colonies d’abeilles.

Promouvoir la présence des abeilles et autres pollinisateurs est ainsi bien plus qu’un renforcement de l’activité agricole, c’est un renforcement des écosystèmes.


D : L’abeille comme bio-indicateur 


Nous l’avons vu, de nombreuses espèces végétales et animales vivent par et avec les abeilles. On peut toutefois se demander si l’abeille est encore en mesure de vivre sans l’intervention de l’être humain du fait de l’altération rapide des milieux qui sont favorables au développement de l’abeille?
Si l’on considère l’abeille comme un indicateur du bon état de l’environnement, un bio-indicateur, alors il est certain que nos pays d’Europe ne sont pas aujourd’hui dans un état d’équilibre biologique. Sans l’aide de l’apiculteur, l’abeille mellifère, qui vivait jadis à l’état sauvage dans nos forêts, serait rapidement menacée d’extinction. Le paysage de monoculture n’accueille qu’un faible nombre d’espèces végétales et animales. Même les champs de colza ou les vergers très appréciés des apiculteurs ne fournissent de la nourriture qu’une partie de la saison. Il faut toujours aider les abeilles à déménager pour échapper à la famine et aux pesticides, non seulement aux produits officiellement considérés comme « dangereux pour les abeilles », mais à tous les herbicides, qui ne tolèrent aucune plante fleurie à l’exception de la plante cultivée. L’artificialisation des paysages agricoles limite la place de la flore et de la faune sauvage par soucis de rentabilité. Cette uniformisation est nuisible pour les abeilles.

Ainsi, si on résume, l’abeille est un maillon clé pour les écosystèmes de par son rôle de pollinisateur incroyablement efficace. Elle profite largement de la diversité de l’environnement et souffre quand ce dernier est stérile une partie de l’année du fait d’une monoculture rigoureuse. Du coup l’abeille est à la fois un soutien puissant pour son environnement et également un très bon indicateur de l’état de cet environnement. Si des abeilles bien acclimatées à un milieu commencent à y souffrir c’est que ce dernier traverse un épisode difficile.
Cette place centrale de l’abeille dans les écosystèmes peut être un atout pour l’apiculteur dans son insertion dans la société. En effet les abeilles sont largement identifiées par le public comme étant des animaux importants pour la nature. Il est important que le public général et les agriculteurs aient une meilleure compréhension du service qu’apportent les abeilles pour que les apiculteurs cessent d’être les seuls à veiller à leur protection.

Pour en savoir plus :

En quoi les abeilles, et plus généralement les pollinisateurs, sont-ils essentiels pour la planète et pour l’Homme ?

Je suis un particulier, et je veux parrainer des abeilles et participer à mon environnement local

Je suis une entreprise, une association, une organisation, et je veux parrainer ou accueillir une ou plusieurs ruches

Quelles actions chacun peut-il prendre pour aider les insectes pollinisateurs ?

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