Corona virus, abeilles & apiculture; Quels sont les risques?

Depuis quelques semaines, l’infection par COVID-19 est devenue pandémique. Ce virus appartient à la même famille que MERS (Middle East Respiratory Syndrome;) et le SARS (Severe Acute Respiratory Syndrome), celle des coronavirus et son origine semblerait être zoonotique (= transmission naturelle des animaux vertébrés à l’homme et vice-versa). Cette pandémie bouleverse le fonctionnement de la société aussi bien au niveau social que politique et économique. 

Ainsi, nous chercherons à comprendre quels sont les risques associés à l’apiculture ?

Tout d’abord, on définit un risque comme étant la conjonction de deux éléments : l’aléa et les enjeux. 

Un aléa est la probabilité qu'il se produise un événement donné (ici, l’infection virale) dans un endroit donné.

Les enjeux sont l’ensemble des personnes et des biens exposés à l’aléa (= vulnérabilité). 

En période d’épidémie, il est important de ne pas confondre un faible aléa et faible risque. En effet, il ne faut pas oublier qu’un faible aléa appliqué à une grande population peut conduire à de nombreux problèmes notamment l’expansion massive de l’agent pathogène.

C’est pourquoi, il est essentiel de s’intéresser aux modes de transmission, aux porteurs potentiels et à la survie du virus dans l’environnement. 

Retour sur la famille des coronavirus et leur origine

Qu’est-ce qu’un virus ? Est-ce vivant ? inerte ?

La définition d’un virus est encore largement débattue au sein de la communauté scientifique. On peut tout de même donner la définition de 1953 proposée par André LWOFF : un virus est une entité nucléoprotéique qui ne possède qu'un seul type d'acide nucléique (le plus souvent). Il a pour caractéristiques :

- Reproduction à partir de son acide nucléique uniquement, 

- Incapacité de croissance en taille et en volume,

- Incapacité de réalisation de la division binaire,

- Aucune information génétique spécifique des enzymes impliquées dans la production d'énergie,

- Dépendant d’un hôte vivant, il exploite la “machinerie cellulaire” (surtout les ribosomes nécessaire à la synthèse des protéines) : c’est un parasite intracellulaire obligatoire.

Qu’est-ce qu’un coronavirus ?

C’est un virus enveloppé, dont l’enveloppe lipoprotéique prend la forme d’une couronne sous observations microscopiques. Ces virus ont un génome sous forme d’ARN simple brin (+). Cela implique que, pour se multiplier, le virus va utiliser les composants du cytoplasme des cellules. Les cellules vont fabriquer des virus, ce qui va les détourner de leur fonctionnement normal puis les détruire. Pour entrer dans ces cellules, le virus doit infecter la cellule hôte via des portes d’entrée : les protéines structurales S-spike du virus reconnaissent les récepteurs membranaires ACE-2 et permettent la fusion de l’enveloppe virale et de la membrane plasmique de l’hôte. L’Angiotensin Converting Enzyme 2 est codée par une séquence génomique portée par le chromosome X humain. Après son entrée, l’ARN va être traduit en protéines virales et être répliqué en passant par de multiples intermédiaires de réplication. Enfin, après encapsidation, les virions vont arracher un morceau de la membrane de l’hôte pour permettrent la formation de l’enveloppe virale ce qui a pour conséquence la lyse cellulaire.

MERS et SARS sont deux coronavirus transmis par la chauve-souris (= réservoir à virus). Grâce à des comparaisons génétiques effectuées entre MERS, SARS et le COVID-19, il y a de fortes chances pour que l’origine de COVID-19 soit identique. De plus, le pangolin est sûrement l’un des intermédiaires de transmission du virus à l’homme. 

Les abeilles, un risque de transmission de COVID-19 ?

On vous a parlé des récepteurs ACE2 qui constituent la porte d’entrée des virus dans les cellules. Cette enzyme n’est présente que chez les vertébrés à mâchoire. Elle régule l’action du coeur en réponse aux stimuli extérieurs. Chez les vertébrés, sa forme varie. Il y a deux formes très différentes. Une chez les tétrapodes et une chez les poissons à nageoires rayonnées. Chez les insectes cette protéine à une forme très différentes car elle possède qu’un site catalytique, on parle de ACE. Elle a un rôle dans leur reproduction. La présence de cette différence structurale fait que le virus ne peut pas s’accrocher dessus. Il semblerait que le virus se développe à une certaine température nécessaire à l’activité de ses protéines. 

Les produits de la ruche, des agents de transmission virale ?

Le virus ne survit pas seul dans l’air, il se transmet par des gouttelettes respiratoires ou des surfaces contaminées.

Miel, propolis et gelée royale peuvent ils transmettre le corona virus ?

Pour le moment, il n’y a pas eu de publications concernant directement l’effet des produits de la ruche sur le virus COVID-19. Donc, pour pouvoir mieux comprendre et appréhender ce sujet, nous pouvons chercher des analogies dans la littérature relative aux autres virus à ARN que ceux de la famille des Coronavirus.

La littérature scientifique indique que les produits de la ruche ont des effets antiviraux. 

Le miel, la propolis sont connu pour leur pouvoir de conservation. En effet, ces produits sont composés de diverses molécules (flavonoïdes = antioxydants, acide caféique, esters d’acides aromatiques…) qui inhibent le développement des micro-organismes.

Des études sur les virus Zika, un virus à ARN comme le COVID-19, ont montré que la pinocembrine , un flavonoïde du miel diminuait la reproduction des virus. On trouve des articles similaire sur la gelée royale.

On observe une diminution de 30% de réplication d’un coronavirus humain OC43 (chrysine), 50% (quercetine 60µL/mL et kaemphferol). La propolis bloque la réplication en interagissant sûrement avec des protéines virales.

Les produits de la ruche semblent donc des milieux défavorables au développement des virus. Par ailleurs, ils constituent la première barrière de protection des abeilles contre leurs propres virus.

L’étude de Vieira Fernandes de 2015, a montré que la propolis brune pouvait augmenter les effets du vaccin contre le Coronavirus canin en stimulant le système immunitaire, mais qu’en est-il du matériel apicole non fabriqué par les abeilles ? 

Le matériel apicole, des agents de transmission du corona?

Peut-il survivre sur le matériel apicole ? 

En effet, la transmission des Coronavirus se fait principalement de façon directe via les gouttelettes de sécrétions dispersées par la toux d’une personne infectée et symptomatique. Lors de l’infection par le SRAS (virus de la même famille), les personnes infectées étaient, essentiellement, celles qui avaient eu un contact rapproché avec un malade. Le port de masque et le lavage des mains sont donc les mesures de prévention les plus efficaces. La dissémination virale aérienne semble peu fréquente ainsi que la transmission indirecte « manu-portée ». 

Cependant, ces voies de transmission doivent être prises en compte pour le contrôle des épidémies, notamment en milieu hospitalier. Par exemple, un contact bref de 5s avec un matériel porteur du virus Influenza A (virus de la grippe) transfert, sur les mains, 31,6% de la charge virale. Pour un même temps de contact, le Parainfluenza virus ne transfert que 1,5% de sa charge virale. Or, nous touchons notre visage 23 fois par heure : dans 56% des cas, nous touchons notre peau, 36% notre bouche, 31% notre nez et 31% nos yeux. Par conséquent, cette exposition indirecte n’est pas négligeable.

Malgré l’émergence récente de COVID-19, plusieurs études ont déjà été publiées concernant la persistance des Coronavirus sur des surfaces inertes. Par exemple, MERS et SARS peut rester infectieux entre 2 heures et 9 jours sur de telles surfaces faites de métal, verre ou plastique. Voici un graphique pour illustrer ce point (HCoV = Human Coronavirus).

Corona virus sur le matériel d'apiculture

De plus, ils persistent mieux dans les milieux humides mais ne semblent pas se propager via l’eau. Toutefois il faut noter que présence n’est pas synonyme de contamination. Un virus peut-être encore présent dans un environnement sans pour autant être infectieux (actif). Le taux d’activité des particules virales semblent chuter rapidement, ce qui les rendraient non infectieuse, mais ce résultat proposé par une étude récente doit encore être soumis à la vérification par les pairs.

Mais alors, que faire du matériel potentiellement contaminé ?

Le matériel apicole et les ruches semblent être des vecteurs de contamination faibles, mais le risque existe même s’il reste minime. En contexte de pandémie, si vos ruches sont au contact d’autres humains, il est préférable de les manipuler avec des gants jetables en plastique tout en portant un masque. Les gants vous protègent des contaminations potentielles extérieures que vous pourriez mettre au contact de vos muqueuses. Le masque, lui, protègent les autres êtres humains que vous pourriez contaminer si vous êtes infectés.

Les Coronavirus sont inactivés par une banale désinfection (éthanol, peroxyde d’hydrogène, javel, savon, gel hydroalcoolique...). Donc un nettoyage régulier prévient toute infection par le virus : le matériel comme vos gants ou vos vêtements doivent être nettoyés après chaque exposition. 

Conclusion:

Les abeilles et les matrices apicoles ne sont pas des vecteurs majeurs. Le principal risque réside donc dans un contact direct entre les personnes. Cependant, un faible aléa associé à une forte population conduit à un fort risque.. C’est pour cela que, dans le contexte actuel, je vous invite à suivre les précautions suivantes pour votre bien et le bien de tous :

Limiter au maximum le contact avec d’autres apiculteurs / humains (1 personnes dans la voiture, masque lors des courses…etc) surtout avec les personnes à haut risque (personnes âgées),

Toute entrée de matériel ayant été mis au contact d’autres humains doit être contrôlée, et ces outils doivent être manipulés avec précaution (gants, masque) durant la dizaine de jours suivant cette exposition,

Si vous travaillez seul à vos ruches, le risque est faible, mais les contacts directs et indirects avec des pairs sont à limiter.

Article écrit en collaboration avec Eva Leiros l'ENS de Saclay.  

Pour plus de détails sur les mesures à mettre en place, voici:

Les instructions techniques DGAL/SDSPA/2020-199 de la DGAL.

Pour aller plus loin:

Pourquoi les abeilles vivent en colonies?

Comment analyser le pollen de mon miel?

Qu'est ce que le varroa?

Comment estimer le nombre d'abeilles sur un cadre?

Connaitre le vocabulaire d'apiculture

Quels sont les meilleurs livres d'apiculture?

Chan KH, Peiris JS, Lam SY, Poon LL, Yuen KY, Seto WH. The Effects of

Temperature and Relative Humidity on the Viability of the SARS Coronavirus. Adv

Virol. 2011;2011:734690. doi: 10.1155/2011/734690. Epub 2011 Oct 1. PubMed PMID: 

22312351; PubMed Central PMCID: PMC3265313.

Hashemipour MA, Tavakolineghad Z, Arabzadeh SA, Iranmanesh Z, Nassab SA.

Antiviral Activities of Honey, Royal Jelly, and Acyclovir Against HSV-1. Wounds. 

2014 Feb;26(2):47-54. PubMed PMID: 25860226.

Seto WH, Tsang D, Yung RW, Ching TY, Ng TK, Ho M, et al. Effectiveness of precautions against droplets and contact in prevention of nosocomial transmission of severe acute respiratory syndrome (SARS). Lancet 2003;361(9368):1519–20

1: Peeri NC, Shrestha N, Rahman MS, Zaki R, Tan Z, Bibi S, Baghbanzadeh M,

Aghamohammadi N, Zhang W, Haque U. The SARS, MERS and novel coronavirus

(COVID-19) epidemics, the newest and biggest global health threats: what lessons 

have we learned? Int J Epidemiol. 2020 Feb 22. pii: dyaa033. doi:

10.1093/ije/dyaa033. [Epub ahead of print] PubMed PMID: 32086938.

Lv Y, Li Y, Yi Y, Zhang L, Shi Q, Yang J. A Genomic Survey of

Angiotensin-Converting Enzymes Provides Novel Insights into Their Molecular

Evolution in Vertebrates. Molecules. 2018 Nov 9;23(11). pii: E2923. doi:

10.3390/molecules23112923. PubMed PMID: 30423933; PubMed Central PMCID:

PMC6278350.

Rothan HA, Byrareddy SN. The epidemiology and pathogenesis of coronavirus

disease (COVID-19) outbreak. J Autoimmun. 2020 Feb 26:102433. doi:

10.1016/j.jaut.2020.102433. [Epub ahead of print] Review. PubMed PMID: 32113704

Vabret 2009, Coronavirus humains (HCoV) Human coronaviruses

https://www.mnhn.fr/fr/explorez/actualites/coronavirus-quels-risques-autres-animaux

LAUDE H. 2003 Les coronavirus, biologie cellulaire et moléculaire Cellular and molecular biology of coronaviruses  

Fernandes V 2015 EFFECT OF WATER EXTRACT FROM BROWN PROPOLIS ON PRODUCTION OF IFN-γ AFTER IMMUNIZATION AGAINST CANINE PARVOVIRUS (CPV) AND CANINE CORONAVIRUS (CCoV)

Filtres actifs